LE HANDICAP AU COURS DE LA VIE
Une naissance avec un handicap marque durablement une vie et cette empreinte sera plus ou moins renforcée, plus ou moins atténuée par les expériences qui suivront. C’est cela même que l’on appelle une situation de handicap : une situation sociale et relationnelle qui évolue dans le temps en fonction du contexte, sans dépendre directement d’une atteinte physique ou psychique (même si elle n’en est pas complètement séparée). Cette situation rejaillit sur la construction de soi et la vie personnelle, amoureuse, amicale et professionnelle.
Parfois le handicap s’invite au cours de la vie et les séquelles d’un accident créent une rupture radicale entre la vie passée et la vie actuelle : on n’est plus celui ou celle que l’on était, et il faut désormais réapprendre à vivre, avec toutes les contraintes associées à cette nouvelle existence, qui peut devenir comme une seconde naissance.
Qu’il soit inné ou acquis, le handicap s’inscrit par définition dans le cours du temps : à la différence d’une maladie, celui-ci ne disparaîtra pas, mais il s’absentera parfois, il sera plus ou moins insistant, comme une présence qui se rappelle à soi qu’on le veuille ou non. L’exemple de la douleur chronique le montre, avec ses résurgences et sa présence diffuse, qui peut s’amplifier avec l’âge.
Dans d’autres formes de handicap, moins visibles, plus liées à une spécificité qu’à une atteinte corporelle (comme certains troubles neuro-développementaux), il se pourra que l’habitude aidant, on parvienne à en compenser les effets. Mais si le handicap disparaît en apparence, on ne sait rien des efforts continus qu’il faut déployer pour donner une impression de normalité à l’âge adulte, ce qui retentit sur les équilibres de vie.
Enfin vient le vieillissement où l’entrée en institution est souvent plus précoce (du moins quand l’institution n’a pas été le lieu de toute une vie), les conséquences de l’âge plus pénibles que pour chacun d’entre nous, même si, sauf accident, nous finirons tous par connaître des formes plus ou moins marquées de handicap liées à l’avancée en âge.
Pierre Ancet, professeur des universités, responsable de l’axe « éthique et vulnérabilité » du laboratoire interdisciplinaire de recherches « Sociétés, sensibilités, soin » (LIR3S), CNRS-université de Bourgogne